Pass Univ’R : offrir la possibilité d’un futur

La réunion Pass Univ’R est la porte d’entrée pour bénéficier du dispositif Univ’R 44. Elle se tient les deux premiers mardi de chaque mois. Plus de soixante candidats s’y sont déjà inscrits.

Après s’être essuyée sur les côtes irlandaises, la tempête Brendan se frotte, en ce jour, à Nantes et ses alentours. Le vent souffle fort ce matin. Les bourrasques de pluie pourraient en décourager plus d’un à sortir, mais certainement pas ces voyageurs-là. En effet, ce 14 janvier, ils sont onze – deux femmes et neuf hommes – à avoir bravé les intempéries et à assister à la sixième réunion « Pass Univ’R ». Une réunion qui marque le départ du processus d’accompagnement d’Univ’R 44 mais qui, pour tous les participants, n’est qu’une étape de plus dans cette odyssée, semble-t-il sans fin, vers la liberté et une intégration réussie en France.

Ces voyageurs sont accueillis par des voyageurs. Nous sommes dans les locaux des Compagnons du Tour de France. Un centre de formation qui se trouve à Saint-Sébastien-sur-Loire, quelques encablures du centre de Nantes. Issus d’une longue tradition de bâtisseurs et d’artisans, les compagnons ont à cœur de transmettre un savoir-faire, un professionnalisme et des valeurs humaines aux jeunes adultes désirant se former aux métiers du bâtiment et des travaux publics. Le centre est constitué d’ateliers magnifiques où les stagiaires ont, notamment, à disposition une toiture grandeur nature sur laquelle ils peuvent apprendre le métier de couvreur, ou encore, cet espace majestueux jonché de blocs massifs pour s’exercer à la taille de pierres.

On sent le public attentif, rompu à cette nécessité de se faire discret.

Les candidats s’installent doucement. Ils sont accueillis par des représentants du consortium : Vincent et Khalid pour les Compagnons (ils seront rejoints par Virginie et Elisabeth durant les entretiens individuels), Marie, Perrine, Tiffany pour SOS Solidarités, Stéphanie et Karine pour l’Université de Nantes. On sent le public attentif, rompu à cette nécessité de se faire discret. Personne n’ose retirer son blouson ou son bonnet malgré la chaleur de la salle. Personne ne laisse entendre sa voix. Tous attendent patiemment que la réunion démarre. Khalid fait le tour des tables, se présente et offre sa main à qui veut bien lui serrer. C’est un premier symbole, celui du respect et de la considération. Vincent, chef du projet, prend la parole et leur explique le déroulement de la matinée. Elle se fera en deux temps. Le premier est consacré à une présentation du dispositif en français – traduite ensuite en arabe – le second prendra la forme d’un entretien individuel afin de préciser le projet de chacun et de vérifier la capacité du dispositif à répondre à leur besoin.

Dans la salle aujourd’hui, il y a des soudanais, des tchadiens, des érythréens et des syriens. Ils sont tous bénéficiaires d’une protection internationale, condition sine qua non pour bénéficier du dispositif. Vincent explique l’ensemble du parcours d’accompagnement. Les étapes qui, pour les sélectionner, se succéderont d’ici la fin du mois en cours. En premier, Univ’R 360°, une série de diagnostics, de tests et d’entretiens concernant les aspects sociaux, numériques, formation, professionnels et de maîtrise de la langue, pour approfondir les projets individuels. Puis la possibilité d’intégrer l’un des trois Univ’R : « Formation », « Pro » et « Emploi ». A l’issue de la présentation, les entretiens commencent. Ils sont menés par des binômes dans des salles séparées.

Les entretiens individuels se déroulent selon une trame préétablie. On commence par les nom et prénom, l’âge, la nationalité, la situation familiale. On demande également depuis quand le candidat se trouve en France, quelles sont ses sources de revenus éventuelles, ses moyens de transport et si, il ou elle, a effectué ses cours à l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII). On lui demande aussi s’il travaille déjà, ou s’il participe à une activité bénévole, le parcours scolaire et professionnel, la capacité à communiquer via les outils numériques.

Faire preuve d’écoute et d’empathie

Viennent ensuite les questions sur le projet professionnel lui-même. Ce que, concrètement le candidat a envie de faire et qui l’a amené à solliciter Univ’R 44. On lui demande son expérience ou sa connaissance de l’activité qu’il vise, ses contraintes et ses motivations. C’est un moment délicat dans le dialogue où les intervenants doivent faire preuve d’écoute et d’empathie. Face à eux, en effet, des personnalités meurtries par leur parcours, des hommes et des femmes qui ont dû, pendant des mois, se méfier de tous. C’est un effort pour eux, de pouvoir dire ce qu’ils ont vraiment envie de faire et d’être en mesure de se projeter vers l’avenir. Il y a ainsi Arbab qui mettra la totalité de l’entretien à avouer qu’il ne rêve que de devenir agriculteur à nouveau et quitter le béton de la ville où il étouffe. Ou encore Azza, Soudanaise qui timidement confie vouloir cuisiner pour les autres. Marie et Karine déploient des trésors de diplomatie pour leurs faire comprendre qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Une tâche d’autant plus ardue qu’elle s’effectue dans un français dont les nuances ne sont pas forcément saisies. A l’issue de l’entretien le binôme se concerte pour établir un premier bilan et statuer sur l’adéquation du dispositif avec le besoin du candidat. Chacun d’entre eux sera prévenu de la suite dans le parcours ou de sa réorientation éventuelle vers un autre dispositif, ultérieurement.

Cette réunion Pass Univ’R témoigne d’une continuité émouvante. Les ancêtres des Compagnons du Tour de France sont de ceux qui ont bâti les cathédrales. Ces mêmes cathédrales où les voyageurs menacés ou égarés avaient la possibilité de demander asile. La route est encore longue pour ces réfugiés. Au delà d’une simple réunion, PassUniv’R est sans doute le lieu où, pour la première fois, on leurs propose l’espoir d’un avenir, non pas subi, mais choisi. L’espoir de leur propre vie. • GL